LIGNES DIRECTRICES DU CEPD SUR L’ALTERNATIVE “PAY OR OK ”

12.03.2024

The Good Advertising Project souhaite qu'elles veillent au respect de la liberté d'entreprendre sur Internet et à la préservation du modèle publicitaire

Le  CEPD s’apprête à publier des lignes directrices sur le sujet de la compatibilité de l'alternative dite “Pay or Ok “ avec le RGPD suite à sa saisine par les autorités de protection des données des Pays-Bas, de Norvège et de Hambourg (Allemagne). Le Think Tank The Good Advertising Project, qui représente les acteurs de la publicité responsable, s'inquiète de la préservation du modèle publicitaire d’Internet et souhaite porter plusieurs points cruciaux à l'attention du CEPD.

Les conséquences d’une interprétation très restrictive du RGPD

Dans leur souci légitime de protection des données des citoyens européens, certaines autorités nationales compétentes ont cependant imposé progressivement, sous la pression d’ONG,  le recueil du consentement comme base exclusive du traitement des données, reléguant ainsi les autres bases légales que sont l'intérêt légitime ou bien le contrat. Ce qui n’était pas l’intention initiale du RGPD ! Les entreprises dont le modèle économique repose principalement ou exclusivement sur la publicité, au premier rang desquelles les médias,  n'ont eu d’autre option que d’expliciter la contrepartie nécessaire à la gratuité de leurs services ou contenus à travers la mise en place de paywalls “Pay or Ok”. Une approche confortée depuis par la jurisprudence :  en 2020 en France par le Conseil d’Etat et plus récemment au niveau européen par la Cour de Justice de l'Union européenne dans le cadre de l’arrêt Meta de juillet 2023.


Il est de la responsabilité des autorités de supervision de ces sujets de trouver un équilibre entre les intérêts des consommateurs et des entreprises

Toutes les études, dont celle que réalise l’autorité française de protection des données chaque année, attestent que les consommateurs plébiscitent la gratuité des services sur Internet et ont parfaitement conscience de la contrepartie attendue que représente la collecte de données. Le choix du modèle économique doit en outre demeurer à la discrétion des entreprises selon le principe de la liberté d'entreprendre que consacre également la Charte européenne des droits fondamentaux (art 16). Par conséquent, la publicité contextuelle ne peut être non plus présentée comme une alternative opposable à la publicité personnalisée, en ce que cela reviendrait à imposer un autre modèle économique, de surcroît inopérant pour de nombreux acteurs non susceptibles de valoriser leur “contexte”. Elle représente davantage une option complémentaire pour certains acteurs.

Les acteurs de la publicité personnalisée ont considérablement renforcé la protection offerte

Les préoccupations exprimées par les ONG dans un courrier récent adressé au CEPD semblent aujourd'hui déconnectées de la réalité du traitement des données personnelles par les technologies de publicité ciblée. Ces données relèvent uniquement des comportements de consommation et sont en outre soit pseudonymisées, soit strictement conservées et non communiquées à des tiers.  La fin des cookies tiers et l’émergence concomitante des “Privacy enhancing technologies” vient en outre renforcer considérablement cette protection. Enfin le Digital Service Act (DSA) qui vient d’entrer en application interdit purement et simplement le traitement de données sensibles aux fins de publicité ciblée. 

C’est aux autorités de concurrence que revient la prérogative d’évaluer les dysfonctionnements éventuels du marché et les prix appropriés.

L’approche qui consisterait à voir dans la possibilité de choix offerte au consommateur à travers le “Pay or Ok” la manifestation probable d’un déséquilibre dans la relation entre le consommateur et le fournisseur du service, contraire aux conditions du consentement selon le RGPD, ne tient pas. En outre, cela reviendrait in fine à considérer tous les services disponibles sur Internet comme des quasi facilités essentielles à l’instar des services telecoms. Il faut ainsi rappeler à titre d’exemple que certains services de streaming proposent également un accès gratuit ou bien à tarif réduit à contrepartie de publicité personnalisée. C’est enfin en tout état de cause le rôle des autorités de concurrence d’évaluer les équilibres du marché et les modalités tarifaires appropriées. 

Réfléchir à un allégement des contraintes pour les éditeurs en ligne ayant recours aux PETs

Dans ce contexte, il pourrait être envisagé d’alléger les contraintes réglementaires pesant sur les éditeurs de presse en ligne, comme semble par ailleurs le réclamer le GESTE, pour recourir à la publicité personnalisée lorsqu’ils basculent sur des “Privacy Enhancing Technologies”. Cette proposition pourrait être réfléchie et affinée dans le contexte des Etats Généraux de l’Information, puis portée au niveau européen auprès de la prochaine Commission.

La nécessité croissante d’une approche par les risques et d’une régulation plus pragmatique

D’une manière générale, l’approche des autorités de protection des données semble reposer depuis plusieurs années sur l’objectif du “risque zéro”, c'est-à-dire en fait le refus absolu d'une approche qui consisterait à évaluer les conséquences potentielles du risque encouru. Cette approche conduit peu à peu à faire du droit des données personnelles un droit “primus inter pares” qui ne parvient ni à satisfaire , ni à concilier l'intérêt des consommateurs et des entreprises. Pourtant, comme l’illustre l’IA Act qui a retenu cette approche, ou bien de nombreux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, la notion de risque n’est absolument pas incompatible avec la sphère des droits fondamentaux.

© the-gap.eu 2023